Compte tenu de ces réactions foetales spontanées, les neurologues, les pédiatres et les psychologues se sont interrogés sur la possibilité d'un apprentissage prénatal lié à l'expérience sensorielle in utero, et à son effet éventuel sur certaines réponses comportementales pré et postnatales.
- battements de coeur et apprentissage
Les battements cardiaques de la mère sont un bon candidat pour étudier le rôle de l'apprentissage au cours de la période prénatale. Ainsi, vers la fin des années 1950, Salk s'est intéressé aux effets du rythme cardiaque sur l'humeur des nouveaux nés. Ce chercheur a réalisé une expérience inhabituelle. Il travaillait dans la maternité d'un hôpital ou la tradition voulait que les nouveaux nés soient séparés de leur mère pendant des intervalles de temps réguliers. Lors de cette séparation, ces enfants furent soumis à des simulations de battements cardiaques. Un premier groupe reçut des sons émis par un métronome à la fréquence de 72 par minute; ce qui correspond à la fréquence réelle des battements cardiaques. Un deuxième groupe reçut des battements de métronome avec une fréquence de 120 par minute. Enfin, un troisième groupe (groupe contrôle) ne reçut aucune stimulation. Salk a observé l'effet de ces stimulations sur le comportement des nouveaux nés. Les enfants du groupe exposé à des mouvements cardiaques accélérés se sont montrés d'emblée très agités et l'expérience a été arrêté Après 4 jours, les enfants stimulés avec une fréquence normale de battements ont pris plus de poids et ont été plus tranquilles que les enfants non stimulés. Salk a mis en relation le rôle apaisant des battements cardiaques de la mère et la posture qui est communément observée lorsque la mère tient l'enfant dans ses bras. Dans 80% des cas les mères portent leur enfant sur le côté gauche (Salk 1973, Vauclair 2003a).
Les battements du coeur ont donc un incontestable effet calmant pour les très jeunes enfants. Ce phénomène a été vérifié à l'aide d'une expérience avec des nouveaux nés de moins de 3 jours. DeCasper et Sigafoos (1983) ont montré que l'expérience auditive intra-utérine des battements cardiaques de la mère a un effet sur le comportement postnatal en renforçant la fréquence des succions du nouveau né. Cette expérience n'a pas déterminé si c'est la familiarité avec le bruit du coeur, ou le caractère rythmique de cette sonorité qui jour le rôle de renforcement.
Ces recherches suggèrent donc que les stimulations auditives au cours de la vie foetale ont des effets après la naissance.
- reconnaissance prénatale de la voix de la mère
Comme l'ont montré DeCasper et Fifer (1980), les nouveaux nés préfèrent entendre la voix de la mère plutôt que celle d'une voix féminine non familière. Plusieurs études ont démontré la préférence des nouveaux nés âgés d'au moins 4 jours pour leur langue maternelle par rapport à une langue étrangère (Mehler, 1988). Cette préférence est vraisemblablement fondée sur une reconnaissance des aspects prosodiques, comme le rythme ou l'intonation, de la langue. On ne peut toutefois exclure qu'une expérience prénatale, même limitée, n'a pas joué un rôle dans ces compétences discriminatives des nouveaux nés.
Une seule étude a testé directement le rôle de l’apprentissage prénatal de la voix de la mère sur le comportement ultérieur des nouveaux nés.
DeCasper et Spence (1986) ont demandé à des futures mères de lire à haute voix une berceuse célébre aux Etats Unis, the cat in the hat ("le chat dans le chapeau") au cours des 12 dernières semaines de grossesse, à raison de deux séances de lecture journalière. Au moment de la naissance les enfants ont ainsi entendu cette histoire pour une durée totale de 3 heures et demie. Deux ou trois jours après la naissance, les auteurs ont utilisé une technique de conditionnement des mouvements de succion. Dans un premier temps, les mouvements de succion sont mesurés à l'aide d'une tétine expérimentale, pendant deux minutes, afin de repérer leur fréquence spontanée. Ensuite, un casque placé sur la tête du nouveau né. Si l'enfant suce avec un taux supérieur au taux de base, l'expérimentateur diffuse la berceuse entendue au cours de la vie intra-utérine. S'il suce avec un taux inférieur, il entend une histoire nouvelle, en l’occurrence une berceuse de même durée dans laquelle "cat" et "hat" sont remplacés par "dog" (chien) et "fog" (brouillard). L'histoire nouvelle est donc différente quant aux sonorités principales et à la prosodie ( renvoie à plusieurs aspects de la parole: intonation, ton, rythme, pause et débit).
Tous les nouveaux nés ont augmenté leur rythme de succion afin d'entendre la berceuse connue plutôt que l' histoire nouvelle. La préférence pour l'histoire connue persiste même si les deux histoires sont lues, lors du test, par une voix de femme inconnue.
Les chercheurs ont conclu que les nouveaux nés ont bien entendu et appris l'histoire lue par la mère au cours de la période intra-utérine. Cet apprentissage influence les nouveaux nés dans leur préférence sonore, juste après la naissance.
L'évidence qu'une forme d'apprentissage puisse se produire au cours de la vie intra-utérine est bien entendu intrigante Toutefois, le fait qu'un nouveau né réponde à des sonorités familières par rapport à des sonorités nouvelles, n'implique pas que cet apprentissage prénatal aura un impact significatif sur son développement ultérieur, par exemple celui du langage.
3. influence des comportements de la mère sur le foetus
La consommation d'alcool et de tabac par la mère au cours de la grossesse a des effets parfois dramatiques sur le développement de l'enfant. L'importance de ces effets dépend de l'avancement de la grossesse. Les risques, en début de grossesse provoquent essentiellement des anomalies physiques, alors qu'en fin de grossesse, ce sont plutôt des troubles de comportement qui sont à craindre.
Ces agents qui peuvent affecter le développement normal prénatal et engendrer des problèmes structuraux, comme des malformations physiques ou fonctionnels, comme des troubles du comportement, sont appelés agents tératogènes (agent extérieur qui augmente les risques d'anomalies ou de perturbations au cours du développement prénatal).
- les effets de l'alcool
L'alcool traverse facilement la barrière placentaire, passant ainsi de la mère à l'enfant. Une consommation excessive d'alcool pendant la grossesse génère plusieurs types de risques pour le développement de l'enfant:
- accouchement prématuré
-poids de naissance + faible (de 80 à 160g en moyenne)
- anomalies associées au SAF (syndrome d'alcoolisme foetal = effet d'une consommation excessive d'alcool au cours de la grossesse par la mère)
Les relevés statistiques indiquent que le SAF attenit 1.95 enfants sur 1000 aux Etats Unis, et 1.3 sur 1000 en France. Le SAF est à l'origine d'un tiers des naissances prématurées. On lui associe (Abel, 1987):
- des malformations crânio-faciales
- un retard global de croissance (taille, poids)
- des malformations d'organes
- des anomalies du système nerveux pouvant conduire à un retard mental.
Il faut noter que même une consommation modérée d'alcool (1-2 verres / jour) peut engendrer des troubles du comportement sans malformation, comme des déficits attentionnels ou un retard mental.
- les effets du tabac
La consommation de tabac par la mère a un effet direct sur le comportement des enfants (avortement, enfant mort né, prématurité, problèmes respiratoires, anomalie du fonctionnement cardiaque), malgré la prévention et les mises en garde des mères pendant la grossesse. Les effets nocifs du tabac sont dus au fait que la nicotine entraine une constriction des vaisseaux sanguins, qui diminue l'irrigation sanguine du placenta. Une des conséquences les plus visibles concerne l'effet sur le poids du nouveau né. (Haste et al, 1991).
consommation de tabac par la mère et poids de l'enfant à la naissance |
Par ailleurs, la consommation de tabac par la mère au cours de la grossesse augmente de 2 à 3 fois les risques du symdrome de la mort subite du nourrisson (Golding, 1997). La nicotine, transmise par le sang de la mère fumeuse au foetus, conduirait à une activation continue du récepteur nicotique du foetus pendant la grossesse. Une telle activation aurait pour effet de diminuer l'efficacité des réflexes respiratoires et d'éveil en réponse aux apnées du sommeil, et donc un risque augmenté de mort subite du nourrisson. En France, 39 cas de mort subite du nourrisson ont été recensés en 2001.
De plus, i lest fort possible que la simple exposition de la mère à un environnement de fumeurs puisse affecter le développement du foetus, en agissant notamment sur son poids (Windham et al, 1999).
conclusion
Le développement moteur et perceptif commence dès le stade prénatal, qui s'étend entre la 9e semaine après la conception et la naissance. Les repères temporels caractérisant cette période sont identifiés pour ce qui concerne le développement physique et l'apparition des mouvements spontanés du foetus.
Ces changements morphologiques et ces réactions comportementales sont accompagnées de transformations des structures cérébrales ( complexification du cerveau, myélinisation et synaptogenèse). Parallèlement , les systèmes sensoriels se développent selon un ordre allant de sens de l'équilibre à l'olfaction et la gustation, puis de l'audition à la vision. L'audition est fonctionnelle plusieurs semaines avant la naissance. L'étude des réactions des nouveaux nés à des stimulations auditives a permis de révéler l'existence d'un apprentissage prénatal. Ce dernier a notamment été mis en évidence par des recherches concernant la sensibilité du foetus à la voix de la mère. Ainsi, une comptine, lue régulièrement par la mère au cours des dernières semaines précédent la naissance, est reconnue par le nouveau né.
L'alcool et le tabac ont des effets négatifs et néfastes pour le développement physique et psychologique de l'enfant. Ces substances sont donc fortement déconseillées voire interdites pendant les 9 mois de la grossesse.
source: développement du jeune enfant; motricité, perception, cognition. Jacques Vauclair
Jacques Vauclair
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Professeur en psychologie du développement (que j'ai eu la chance d'avoir lors de ma 1ère année de licence 1 de psychologie) à l’Université de Provence (Aix-Marseille) et à l'institut Universitaire de France. Il y enseigne notamment le développement moteur et perceptif du jeune enfant et les méthodes d’accès et de diffusion des informations scientifiques.
Il est également Directeur de l'École Doctorale «Cognition, Langage, Éducation» et du Centre de Recherche en Psychologie de la Connaissance du Langage et de l’Émotion (Centre PsyCLÉ). Ses recherches concernent la psychologie comparée de la cognition et de la communication.
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bien à vous.
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